Les directeurs des technologies de l’information sont les maîtres des données de l’entreprise. Ils ont la responsabilité de recueillir les bonnes données, de les faire parler et d’en extraire de quoi propulser l’entreprise.
Mais leur façon de faire s’apprête à changer.
Les directeurs TI ont toujours dirigé la machine. Bien que très sophistiqués, leurs puissants calculateurs ne pouvaient faire que ce qu’on leur demandait. Ils ne pouvaient reconnaître que les formes qu’on leur avait précisément indiqué de chercher, ce qui laissait aux directeurs TI une faible marge de manœuvre pour automatiser la prise de décision afin de pouvoir se consacrer davantage à la mise à jour constante des modèles.
Mais les logiciels d’intelligence artificielle changent la donne. Ces logiciels peuvent, de manière indépendante, repérer des formes ou des données inattendues, relever des changements dans les données et se mettre automatiquement à jour, ce qui transformera à jamais la relation des entreprises avec les données.
De l’information à l’intelligence
Andrew Ng soutient que les entreprises doivent embaucher un directeur de l’intelligence artificielle pour négocier ce virage. Pour ma part, je pense, comme d’autres, que l’arrivée de l’IA changera tout simplement la manière de travailler des directeurs TI.
Ce que je souhaite, c’est que les directeurs des technologies de l’information deviennent des directeurs de l’intelligence.
Quand l’IA fera son entrée dans les entreprises, le rôle des directeurs TI évoluera forcément. Leur relation avec les systèmes d’information deviendra bilatérale. Elle fera davantage appel à cette qualité propre à l’humain qu’est la nuance.
Le traitement des données
Les données sont générées par des capteurs branchés sur le monde. Elles deviennent ensuite de l’information par des opérations cognitives ou par l’analyse. Sur cette base, nous pouvons prendre des décisions et mesurer les résultats, résultats que nous évaluons ensuite pour mieux entraîner et raffiner nos modèles.
Pour l’instant, ce sont les humains qui gèrent la cognition, la prise de décision et l’entraînement des systèmes d’information. Ce que l’IA fera, c’est amplifier la cognition en traitant des possibilités plus grandes et plus complexes que jamais tout en automatisant la prise de décision et l’entraînement. Le directeur TI – la personne humaine – pourra se concentrer sur les données recueillies par perception et sur l’évaluation des résultats finaux pour l’entreprise.
Un exemple : avant de pouvoir utiliser l’IA pour résoudre un problème, le modèle logiciel doit apprendre à partir d’un ensemble de données pertinentes. Il reviendra au directeur TI de découvrir quelles données feront le mieux fonctionner le modèle. Certes, il lui a toujours incombé de décider des données les plus pertinentes en regard des objectifs commerciaux, mais, devant un logiciel qui peut s’adapter aux nouvelles données aussi rapidement qu’elles sont produites, il doit s’adapter lui aussi.
Notons que toutes les données n’ont pas la même valeur. L’une des grandes tâches des directeurs TI sera la gouvernance des données, ce qui comprend le « nettoyage » des données pour permettre à l’IA de fonctionner. L’IA est précieuse en raison de la rapidité avec laquelle elle réduit les données, ce qui rend d’autant plus impérieuse la nécessité de repérer les manques et de les combler avec des données de qualité et pertinentes*.
Grâce à ce dur labeur, le directeur TI sera en mesure d’obtenir des éléments de sens plus pointus avec l’IA. L’information représente les données dans un contexte, par exemple des points dans un graphique. Le sens, ou l’intelligence, est l’information prise dans un contexte plus large. Que signifie une certaine forme dans un graphique si l’on tient compte des situations où l’on a observé des formes similaires? Par exemple, que signifient des prévisions de pluie pour les ventes si l’on tient compte de ce qui s’est produit par le passé lors de journées pluvieuses?
La comparaison de situations semblables pour améliorer la prise de décision est l’opération cognitive que l’IA augmente. Le rôle du directeur TI sera de veiller à ce que les « similitudes » soient très pertinentes pour les décisions de l’entreprise. Savoir que « des prévisions de pluie entraînent généralement une baisse des ventes » est relativement utile, mais savoir que « la pluie un 15 avril est associée à une baisse des ventes de x % dans la région A et à une hausse des ventes de y % dans la région B, et que le système fait l’ajustement z » est beaucoup plus précieux pour des objectifs commerciaux.
Au début de ce dialogue avec la machine, la reconnaissance des similitudes par l’IA sera peut-être vague, voire erronée. Au fil des échanges, et quand le directeur TI sera mieux en mesure d’arrimer les objectifs commerciaux aux données, la reconnaissance des similitudes deviendra de plus en plus fine. Au fur et à mesure des réglages, le rôle du directeur TI passera de celui de gestionnaire d’information à celui de gestionnaire d’intelligence.
Le directeur TI de demain en contexte d’entreprise
Je pense que le directeur TI aura besoin d’un mandat, d’une sorte d’énoncé de mission. Mais ne vous attendez pas à un coup d’État au sein de la haute direction des entreprises établies qui mettent en place l’IA. Le directeur TI continuera à collaborer avec le directeur de la technologie pour implanter le logiciel d’intelligence artificielle dans l’architecture technique de l’entreprise**.
Le directeur TI se heurtera également à des questions d’éthique. Les systèmes d’IA se nourrissant de quantités énormes de données, il est important de réfléchir à la façon dont les données sont sécurisées et nettoyées, et ce, à grande échelle. Cet aspect est encore plus important s’il se trouve parmi les données de l’information sensible ou privée, par exemple des renseignements de facturation.
Le directeur TI n’aura pas besoin d’un éventail de compétences complètement différent dans son nouveau rôle. Il devra encore se tenir au courant des idées de pointe sur la manière de tirer parti de la technologie pour générer les résultats commerciaux voulus. Bien qu’une certaine expérience en intelligence artificielle ne soit pas absolument obligatoire, la capacité subtile de s’adapter et d’utiliser les nouvelles technologies sans attendre sera essentielle.
Faute de quoi, c’est le logiciel d’intelligence artificielle qui prendra le dessus, ce qui ne serait pas très intelligent!
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* Le processus de sélection des données vous intéresse? J’écrirai sous peu un autre billet expliquant comment choisir les données pour l’entraînement d’un logiciel d’IA.
** Notons cependant que de nombreuses jeunes entreprises ne prennent même pas la peine de nommer des directeurs TI. Comme l’IA est au centre de la mission de beaucoup d’entre elles, ces fonctions font partie de celles de leur chef de direction.
Photo by James Woodson.
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