Carte de l’écosystème de l’IA en 2019

Quelques entrées sur la carte (surtout les laboratoires de recherche) n’ont pas de logo puisqu’il n’était pas accessible publiquement. Si vous ne voyez pas votre logo ou si vous souhaitez soumettre une version plus récente de celui-ci, svp remplissez ce formulaire.

Sommaire

Au fur et à mesure que l’écosystème canadien de l’IA se développe, les données sur l’industrie permettent de voir quelles stratégies sont efficaces. La dernière version de notre carte annuelle de l’écosystème canadien de l’IA montre que le marché de l’IA prend de la maturité, alors qu’augmente le nombre de fermeture de nouvelles compagnies, que le financement des nouvelles entreprises s’effectue désormais plus tard dans leur cycle de vie et que les fournisseurs de solutions en IA prennent une proportion grandissante du marché global des solutions d’affaires.

Bien que le Canada continue de voir naitre de nouvelles entreprises d’IA en 2018, ce taux de croissance ralentit significativement. On peut dire que 2018 est l’année d’un certain retour à la réalité, puisque lors des deux années précédentes, la croissance des entreprises d’IA en démarrage avait été phénoménale par rapport à celle des entreprises en démarrage du secteur des technologies en général. Le financement reste toutefois fort, puisque 2018 est la meilleure année en matière de financement pour l’IA au Canada, avec 660 millions de dollars US amassés en 98 étapes de financement. Les étapes d’introduction des capitaux, comme les capitaux d’amorçage (« seeds ») et les rondes de séries A, ont décliné en proportion du financement total, même si les sommes ont augmenté dans leur ensemble.

Petites et grandes entreprises cherchent à savoir comment l’IA pourrait améliorer leurs résultats. Les investissements commerciaux continuent d’augmenter, et le nombre de grandes compagnies ayant des laboratoires de recherche en IA au Canada est maintenant au-dessus de 70. Notre recherche montre que l’IA est de plus en plus adoptée, puisque ses parts du marché des solutions d’affaires sont en hausse de 50 % en 2018. Et il y a encore beaucoup d’espace pour la croissance, étant donné que les solutions d’IA occupent seulement 5 % du marché global des solutions d’affaires.

Le talent reste encore une préoccupation majeure pour l’écosystème de l’IA, au Canada comme partout dans le monde. Notre Rapport 2019 sur le talent mondial indiquait que le Canada reste dans le top 5 au palmarès du nombre de chercheurs créant un impact majeur en IA, et il figure aussi au top 5 des pays pour le nombre d’ouvertures de postes liés à l’IA. Le nombre de scientifiques en IA est en hausse, pourtant la pénurie de talent en IA dans le monde est bien réelle. Pour les entreprises d’IA en démarrage, cela représente un sérieux problème.

Le ralentissement de la croissance des entreprises en démarrage peut être observé dans la plupart des économies semblables à celle du Canada, à la fois dans le secteur de l’IA et dans celui de la technologie en général. Les entreprises en démarrage en IA ont simplement résisté plus longtemps à ce ralentissement. Pour ce qui est du talent, le Canada demeure un acteur d’importance dans un monde où la demande augmente plus vite que l’offre. Alors que les entreprises d’IA en démarrage poursuivent leur croissance malgré un ralentissement en nombre, et avec les efforts grandissants de recrutement des gros joueurs de l’industrie locale et venant  de l’étranger, le bassin actuel de talents en IA ne suffira peut-être pas pour soutenir le taux de croissance des entreprises dans l’écosystème. Il faudra nécessairement poursuivre les efforts de formation de nouvelles expertes et de nouveaux experts.

Statistiques importantes

  • Le nombre d’entreprises d’IA en démarrage au Canada a augmenté de 5 % en 2018 par rapport à 28 % l’année précédente.
  • Notre recherche montre que l’intégration de l’IA est en hausse au Canada, qu’elle augmente ses parts du marché global des solutions d’affaires par plus de 65 % en 2018. Les revenus provenant de solutions d’IA représentent 5 % du marché global, alors qu’ils étaient de 4,5 % l’année précédente. 
  • 660 millions $ US, issus de 98 investissements à travers le Canada, comparativement à 288 millions $ US sur 58 investissements l’année précédente.
  • Le Canada est dans le top 5 au palmarès du nombre de chercheurs ayant un impact majeur en IA, malgré un bassin de talent qui reste petit.

L’écosystème canadien des entreprises d’IA en démarrage

Depuis quelques années au Canada, le nombre de nouvelles compagnies en IA a augmenté, malgré le ralentissement mondial observé sur le marché global des technologies en ce qui concerne la création d’entreprises. En 2018, la croissance des entreprises d’IA en démarrage a commencé à suivre la tendance générale de l’industrie dans son ensemble. Le taux de croissance global a chuté à 5 % en 2018, alors qu’il était de 28 % en 2017, ce qui porte le nombre total d’entreprises d’IA en démarrage à 680.

Les chiffres de 2019 seront disponibles dans le rapport de l’an prochain. Nous considérons comme étant une compagnie d’IA canadienne toute compagnie indépendante qui utilise l’IA en tant que composante essentielle de son produit et qui est basée au Canada.

Le facteur principal de ce ralentissement de la croissance du nombre de nouvelles entreprises en IA est le taux croissant de disparition des entreprises qui se sont développées tôt dans le cycle commercial actuel de l’IA, pendant que le taux de création de nouvelles entreprises est resté stable. Puisque le début du présent cycle se situe autour de 2011-2012, nous constatons que la présente moisson d’entreprises en démarrage s’approche d’un point d’inflexion. Selon le Startup Genome Project, environ 90 % des entreprises en démarrage fermeront leurs portes dans les 5 premières années, et nous sommes rendus à ce point ou même plus loin dans le cas de plusieurs des compagnies créées lors des premières années du boum actuel. L’attrition naturelle et les défis associés à la création d’une compagnie, notamment la demande du marché pour le produit, sont de gros obstacles. À cela s’ajoute la difficulté de recruter des talents dans un marché très compétitif.

Ce graphique montre le lien entre les taux de création et d’attrition des nouvelles entreprises. Dans l’écosystème canadien de l’IA, nous sommes tout près du moment où la croissance du taux de création ralentit alors que celle du taux d’attrition augmente, pourtant les deux taux de croissance restent positifs. Au fur et à mesure que la période de haute croissance passe à une période plus mature et plus stable, le taux d’attrition va naturellement augmenter. Étant donné le potentiel de l’IA et l’intérêt grandissant pour le secteur, nous pouvons prédire une période de croissance faible grâce aux efforts soutenus du gouvernement, des investisseurs et d’autres acteurs souhaitant faire grandir l’écosystème. 

Même si nous n’avons pas obtenu de données spécifiques, nous avons constaté qu’un certain nombre d’entreprises d’IA en démarrage ont abandonné l’IA ou ont enlevé de leur matériel promotionnel tout contenu relatif à celle-ci. Selon notre suivi continu de l’écosystème de l’IA, nous croyons qu’il existe deux facteurs expliquant ce phénomène : le manque de talent en IA ainsi que la faible demande du marché pour certains produits, souvent par manque de préparation pour traiter des données. Nous discuterons plus en profondeur de ce problème dans ce rapport en nous référant au Rapport 2019 sur le talent mondial en IA.

En ce qui concerne le manque de demande du marché pour certains produits, nous croyons qu’une partie du problème de la demande s’explique par un manque de préparation des clients. Plusieurs compagnies n’ont pas encore su profiter des avantages que peut fournir l’IA. Selon un sondage mené par New Vantage Partners auprès des cadres des 1000 plus grandes compagnies américaines selon Fortune, plus de la moitié des compagnies prétendent ne pas « traiter les données comme un actif commercial » et « ne sont pas dans le marché des données et de l’analytique ».

Le talent et le degré de préparation pour traiter des données sont deux facteurs de l’écosystème de l’IA qui sont facilement mesurables, mais il existe aussi d’autres défis et des occasions pour les entreprises d’IA en démarrage. Par exemple, la frénésie entourant l’IA ainsi que l’écart entre les attentes et la réalité concernant les applications d’IA et ses impacts sur le marché sont plus difficilement quantifiables en utilisant une seule mesure. D’autres facteurs encore plus complexes entrent aussi en ligne de compte : la règlementation des données et des ententes sur les droits des données, la concurrence avec les grosses compagnies technologiques qui offrent plusieurs services numériques interreliés, les limites des technologies actuelles, ainsi que les questions de confiance et d’éducation relatives à l’IA. En somme, le marché est encore en période de découverte et nous travaillons présentement à faire comprendre comment l’IA fonctionne.  

Les investissements commerciaux et le marché des solutions d’affaires en IA

Le Canada demeure une destination de choix pour les organisations internationales qui cherchent à développer leurs solutions d’IA. Nous estimons qu’environ 70 grandes organisations ont eu un laboratoire de recherche en IA ou un groupe de réflexion axé sur l’IA au Canada en 2018, alors qu’elles étaient 50 l’année précédente. Lors de la conception de cette carte, nous comptions grandement sur les annonces publiques afin de savoir s’il existait des laboratoires privés. Étant donné que de plus en plus de compagnies adoptent l’IA et mettent sur pied leur propre laboratoire, il est possible que nous sous-estimions le nombre d’investissements privés ou d’autres initiatives pour lesquelles aucun communiqué de presse n’existe. Au fur et à mesure que des laboratoires privés seront établis, notre estimation deviendra de moins en moins précise.

Même si la croissance des nouvelles entreprises ralentit, nos recherches indiquent que le marché global des solutions d’IA prend rapidement de l’ampleur. En 2018, les revenus de compagnies canadiennes de solutions d’affaires en IA ont augmenté de 65 % par rapport à l’année précédente, et cela représente désormais près de 5 % des revenus du marché global des solutions d’affaires (incluant l’informatique, le matériel informatique, les nuages de données et les autres services). En 2015, cette part de marché était en bas de 2 %.

Les investissements en IA

Même si la croissance des nouvelles entreprises en IA a ralenti en 2018, le nombre d’investissements a continué à croitre. 2018 a été la meilleure année en ce qui concerne les étapes de financement pour l’IA au Canada, avec des investissements d’environ 600 millions $ US au cours de 98 étapes, selon le site internet de suivi des entreprises en démarrage Tracxn.com. Ce qui a changé est surtout la maturité des entreprises financées : les étapes d’introduction des capitaux, comme les étapes d’amorçage (« seeds ») ou de séries A, ont diminué par rapport au nombre total d’étapes de financement, même si dans l’ensemble, les investissements ont augmenté.

Sept des dix investisseurs les plus actifs en 2018 sont basés au Canada, ce qui poursuit la tendance observée ces dernières années, laquelle montre une prédominance des investissements provenant du Canada par rapport à l’international. Le top 10 des sources d’investissements est constitué de Real Ventures, BDC, Panache Ventures, 500 Startups Canada, MaRS IAF, TandemLaunch, Plug and Play tech, Techstars, Innovacorp, and Inovia Capital. 

Quand nous observons les investissements dans le temps, on voit plus clairement cette tendance de maturation. De 2014 à 2017, il y avait une certaine effervescence, alors que les rondes d’introduction de capitaux occupaient une large part des investissements. En 2018, alors que le nombre absolu de financements d’introduction de capitaux reste le même qu’en 2017, le poids global de ces ententes diminue significativement. Les entreprises en démarrage attirent des investissements et de l’attention plus tard dans leur cycle de vie, un indicateur clé de la maturité du marché.

Le talent

Le talent en IA est en forte demande partout dans le monde, et le Canada demeure dans le top 5 au palmarès du nombre de chercheurs en IA créant un impact majeur.

Dans notre Rapport 2019 sur le talent mondial en IA, nous avons étudié les auteurs et les publications des plus importantes conférences sur l’IA, en plus d’intégrer des données provenant d’autres sources numériques, afin de développer une vue d’ensemble sur le bassin global de talents en IA. Le Canada figure au top 5 pour l’offre, mesurée par le nombre de chercheurs créant un grand impact (qu’on détermine par le nombre de fois qu’ils sont cités), et il est aussi dans le top 5 en ce qui concerne la demande, en fonction du nombre d’ouvertures de postes publiés sur Indeed.com.

Le bassin de talents en IA est très mobile, avec un tiers des chercheurs qui travaillent pour un employeur situé ailleurs que dans le pays où ils ont reçu leur doctorat. Le Canada est une destination de choix pour le talent mondial, attirant des travailleurs formés à l’étranger, et on constate que le nombre total de chercheurs y est en hausse. Pourtant, le Canada parvient moins bien à retenir ses experts et ses expertes, puisque son taux d’émigration du talent est supérieur à la moyenne des 18 plus importants pays qui font de la recherche en IA. Consultez notre Rapport 2019 sur le talent mondial en IA pour plus d’informations; il contient aussi les détails méthodologiques, notamment sur la méthode utilisée pour déterminer ce qui est considéré comme un chercheur créant un impact majeur et pour voir d’autres comparaisons avec le reste du monde.

Nous ne pensons pas que le problème de pénurie de talents se règlera, malgré les nouveaux investissements, notamment dans les récents programmes universitaires en IA, les cours en ligne et les autres démarches de réorientation vers l’IA pour les employés en milieu de carrière. Les preneurs de décisions et les grandes compagnies ont tenté de résoudre le problème en augmentant les salaires ou en suggérant d’autres méthodes pour attirer le talent en IA, comme en améliorant les espaces de travail ou en donnant plus d’avantages sociaux. Pour les jeunes entreprises, ces options ne sont pas toujours pratiques. Nous croyons que le manque de bons travailleurs en IA est un défi important pour toutes les compagnies dans l’écosystème de l’IA et cela est particulièrement vrai pour les entreprises en démarrage.

Le gouvernement

Le gouvernement canadien a toujours soutenu son écosystème en IA, que ce soit sous la forme d’investissements ou de mesures incitatives à la recherche. Les Nations unies ont d’ailleurs souligné le rôle du Canada, premier pays au monde à avoir adopté une stratégie nationale en IA, après que ce dernier ait annoncé un investissement de 125 millions $ CA en mars 2017. Le gouvernement fédéral et les provinces ont depuis continué à soutenir la recherche en IA ainsi que sa commercialisation. D’autres pays se sont joints à cet effort, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, qui ont tous annoncé des programmes pour développer leur industrie de l’IA.

Alors que l’IA fait de plus en plus sentir son impact sur l’économie, il importe de comprendre l’apport des gouvernements à travers ses investissements, mais aussi grâce aux différentes façons dont ceux-ci interviennent dans l’infrastructure du marché. Au Canada, comme nous l’avons noté dans nos derniers rapports, le gouvernement fédéral est un joueur d’importance pour bâtir des ponts entre le milieu académique et l’industrie de l’IA.

En 2018, le Gouvernement du Canada a annoncé de nouvelles initiatives pour règlementer l’IA, notamment dans les dossiers de la responsabilité algorithmique et la protection des données. La Directive sur la prise de décision automatisée ainsi que L’utilisation responsable de l’intelligence artificielle incorporent des principes de droit administratif et de justice fondamentale tels que la transparence, l’équité procédurale, le droit de se faire expliquer une décision d’IA et le droit à une procédure régulière. Une version de ces deux initiatives pourrait contribuer à l’élaboration de politiques pour le déploiement de l’IA dans le secteur privé. En créant ces politiques, le Canada fait figure de leader et s’établit en tant que havre inclusif pour la recherche de pointe en IA.

La place du Canada

En ce qui concerne le talent, le Canada reste un acteur d’importance dans un monde où la demande progresse plus rapidement que l’offre. Au fur et à mesure que les entreprises d’IA en démarrage poursuivent leur croissance, même dans un contexte de ralentissement et d’efforts grandissants de recrutement par les plus gros joueurs de l’écosystème locale et venant  de l’étranger, personne ne peut affirmer avec certitude que le bassin actuel de talent en IA pourra soutenir la croissance dans l’écosystème de l’IA. Il faudra nécessairement poursuivre les efforts de formation de nouvelles expertes et de nouveaux experts.

Nos données indiquent clairement la façon dont le marché canadien de l’IA est en train de maturer. Le taux de croissance des nouvelles entreprises en IA ralentit, et le taux de disparition des entreprises ainsi que d’autres obstacles commencent à affecter les entreprises en démarrage créées au début du boum actuel que connait l’IA. Les compagnies établies adoptent l’IA, dont le taux de pénétration dans le marché global des solutions d’affaires continue de croitre, et pourtant il reste encore de la place pour de la croissance. Les entreprises en démarrage qui ont surmonté les défis liés à leur création attirent l’attention des investisseurs plus tard dans leur cycle de vie. Jour après jour, l’IA fait la preuve de sa capacité à créer de la richesse et conséquemment, elle est intégrée par des compagnies à l’extérieur de l’univers des entreprises en démarrage. Bien que le Canada continue de créer des experts et des expertes en IA, et qu’il soit une destination de choix pour ceux-ci, on ne sait pas encore si le bassin de talents pourra suffire à la demande.

Méthodologie

Comme dans nos deux derniers rapports, nous avons suivi l’évolution de l’écosystème canadien en IA en regardant les tendances d’investissements à l’aide d’un sondage auprès des entreprises naissantes en IA, des grandes compagnies qui ont un laboratoire en IA et d’autres acteurs du milieu. Nous continuons aussi à faire le suivi de ce que fait le gouvernement pour aider l’écosystème. Nous avons ajouté un élément d’intérêt par rapport à l’an dernier : nous avons commencé à surveiller la taille du marché et le taux de pénétration de l’IA. Notre rapport couvre la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018. Nous avons déterminé comme étant des « compagnies canadiennes en IA » toute compagnie indépendante qui utilise l’IA en tant que composante essentielle de son produit et qui est basée au Canada.

Ce rapport utilise les données de Crunchbase et de Tracxn, en plus de l’apport analytique et des données d’Element AI, à partir de ses propres extracteurs de contenus traités par l’IA et à partir de ses propres outils d’analyse.

Remerciements

Recherche par Yoan Mantha et Jae Yong Yune.

Écrit par Peter Henderson et Yoan Mantha.

Design et visualisation graphique des données par Wei-Wei Lin

Un grand merci à Chelsea Ma et Benoit Hamelin, de même qu’à Waterloo EDC, Real Ventures et Investissements Canada pour leur soutien permanent et leur point de vue.